LES SURVIVANTS DES CAMPAGNES DE LA REPUBLIQUE  ET DE L'EMPIRE ET LA MEDAILLE DE SAINTE-HELENE  DANS LE DEPARTEMENT DES VOSGES EN 1857  Louis-Henri FLEURENCE 

 
LES SECOURS VIAGERS
LA MEDAlLLE DE SAINTE-HELENE
    Institution de la médaille
    Le recensement des anciens militaires
REMISE DES MÉDAILLES
LA CLÔTURE OFFICIELLE DES OPÉRATIONS
    Arrondissement d'Epinal
    Arrondissement de Mirecourt
    Arrondissement de Neufchâteau
    Arrondissement de Remiremont
    Arrondissement de Saint-Dié
    Bilan départemental
LES REMISES SOLENNELLES
LES NUMÉROS DES BREVETS
LES SOCIETES DES MEDAILLES
PENSION AUX MEDAILLES DE SAINTE-HELENE
SOURCES
Dans moins de deux années, la France célébrera le bicentenaire de la Révolution de 1789. Cette commémoration offre l'occasion de rappeler l'intérêt soudain porté par Louis Napoléon Bonaparte, premier Président de la République française, puis par Napoléon III, second Empereur des Français, aux vétérans des campagnes de la République et du Premier Empire et l'institution, en 1857, d'une médaille qui, s'ajoutant à la Légion d’honneur créée par Napoléon Ier le 29 floréal An X (19 mai 1802), et à la Médaille militaire instituée par le prince-président le 22 janvier 1852, marqua le début du système de récompense, « dont la France manquait depuis l'Ancien Régime », encore en vigueur aujourd'hui.
 

LES SECOURS VIAGERS

Au cours de ses visites en province, le Président avait pu apprécier la ferveur des anciens compagnons d'armes de son oncle, en même temps que la situation précaire, sinon misérable, dans laquelle se trouvait un grand nombre d'entre eux, confirmée dans les pétitions adressées au ministre de la Guerre. Le 6 décembre 1849, le Ministre de l'Intérieur invitait les préfets à s’intéresser à la position de ces vieux soldats. Une commission, constituée le 29 février 1850, reçut pour tâche d'examiner les réclamations. Leur importance ne lui fit retenir que celles des anciens militaires qui « invoquaient les plus longs et les plus éclatants services »; leur nombre s'éleva à 11 033 pour lesquels «la condition première et essentielle de chaque admission, a été la preuve de l'indigence du réclamant».

L'attribution des secours se fit suivant une triple classification: l'âge, la durée des services qui ne pouvait être inférieure à huit années, c'est-à-dire celle « que la loi impose », le nombre des blessures. Ainsi, le secours maximum annuel de 325 F était alloué à un vétéran d'un âge égal ou supérieur à 80 ans, ayant accompli 20 années, ou plus, de services portant au moins six blessures. Le secours minimum de 215 F, était celui d'un ancien militaire âgé de plus de 60 ans, comptant huit à douze ans de service sans blessure. Le salaire ouvrier moyen qui était, à cette époque, de 6 à 800 francs, pour une année sans chômage, permet de juger de la modicité d'un secours, tout juste capable d'alléger une misère devenue insupportable.

Le rapport du garde des Sceaux, permet de supposer que la commission ne s'attendait certainement pas à une telle somme d'indigence parmi ces vieux soldats, ni peut-être même à un nombre aussi important de survivants. Le financement de cette mesure fut assuré par un crédit de 2 700 000 francs. Son renouvellement annuel permettait à de nouveaux bénéficiaires de remplacer les décédés. Le décret d'application fut pris le 14 décembre 1851, moins d'une semaine avant le plébiscite qui devait sanctionner le Coup d'Etat du 2 décembre. L'institution des secours viagers, envisagée depuis plus de deux ans, n'avait trouvé son expression législative qu'après le succès du Coup d'Etat, et ne prendra effet qu'au début du second trimestre 1852.

Devant l'afflux sans cesse croissant de nouvelles et pressantes demandes, le Ministre de la Guerre ordonna aux préfets, qui en informèrent les maires, de surseoir, jusqu'à nouvel avis, à leur enregistrement et à leur acheminement.

LA MEDAlLLE DE SAINTE-HELENE

Les Archives de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, installée dans l'hôtel de Salm, furent entièrement détruites au cours de l'incendie des 23 et 24 mai 1871. Il ne reste plus aujourd'hui, pour traiter de la question, que les pièces conservées dans les services d'Archives départementales.

Dans notre département elles sont constituées par les liasses 24 R 6 et 24 R 7, malheureusement amputées des états communaux de l'arrondissement de Remiremont, et de listes récapitulatives. Ces manques, pour regrettables qu'ils soient n'enlèvent pas à cette étude sa valeur documentaire. En faisant revivre cette médaille, en la sortant de l'oubli où elle est tombée, notre intention n'est pas de lui donner plus d'importance qu'elle n'en mérite, mais de rendre hommage à nos compatriotes qui la reçurent et d'apprendre à leurs descendants ce qu'elle a représenté pour eux, qui avaient été ignorés pendant plus de 40 ans.

Institution de la médaille

L'attribution des secours viagers n'avait satisfait qu'un très petit nombre d'anciens militaires qui peut être estimé a moins de 3 % des survivants, en 1851. L'idée de les récompenser tous vint peut-être de la guerre de Crimée; la reine Victoria d'Angleterre ayant créé pour le corps expéditionnaire les médailles commémoratives de la Baltique et de Crimée. Le 12 août 1857, un décret impérial instituait, pour « tous les militaires, français et étrangers, des armées de terre et de mer qui ont combattu dans nos rangs de 1792 à 1815 », une médaille en bronze portant «d'un côté l'effigie de l'Empereur et, de l'autre, pour légende - Campagnes de 1792 à 1815 - à ses compagnons de gloire, sa dernière pensée, 5 mai 1821 »; suspendue à un ruban vert liseré de rouge et rayé verticalement de 6 étroites bandes de même couleur, dont nous reparlerons elle serait portée sur le côté gauche de 1a poitrine. La médaille d'ordonnance, remise gratuitement avec un brevet, était du module de 33 millimètres des réductions de 20 à 16 millimètres pouvaient être acquises, au prix de 2 francs, envoi compris, auprès de l'Hôtel des Monnaies de Paris.

Parce qu'elle fut la première à honorer une épopée militaire de près d'un quart de siècle, et à rendre hommage à ceux qui l'avaient vécue, elle peut être considérée (sans nuire à la réputation de la croix et de la médaille de Juillet ni à celle de Mazagran qui lui étaient antérieures, mais dont le nombre des titulaires fut peu élevé) comme la première médaille commémorative française.
 

Le recensement des anciens militaires

Dès la promulgation du décret, le ministre de la Guerre adressa aux préfets des instructions qui devaient permettre aux autorités municipales, d'établir sans difficultés, la liste communale des ayants-droit. L'inscription des anciens militaires pouvant justifier de leurs titres, au moyen de pièces authentiques, serait faite avec leur mention. Ceux « qui ne possèdent aucun titre justificatif de leurs services, seront néanmoins inscrits, mais ils auront à indiquer le numéro de leur régiment, ainsi que la date de leur incorporation » pour vérification par les services du ministère de la Guerre.

Cette note simple et suffisamment précise, n'avait qu'à être strictement appliquée par les autorités préfectorales.

Le gouvernement souhaitait hâter les formalités administratives. Par dépêche du 14 août, le préfet des Vosges invitait les maires à faire diligence; il écrivait notamment: «Les vieux débris des glorieuses phalanges de la République et de l'Empire qui, depuis quelques années, ont reçu de l'héritier du Grand Homme tant de marque de sa munificence et de sa justice réparatrice, sont encore une fois l'objet d'une distinction des plus flatteuses, qui perpétuera dans leurs familles le souvenir des grandes choses accomplies par l'Empereur, et auxquelles ils ont participé (...). Je vous invite, M. le Maire, à dresser immédiatement, et à me transmettre sans aucun délai, un état des militaires résidant dans votre commune qui, ayant servi de 1792 à 1815, ont droit à la décoration que l'Empereur vient d'instituer.
« Je désire recevoir pour le 25 de ce mois, au plus tard, cet état qui devra indiquer les noms, prénoms, âge, profession et campagnes des militaires de la République et de l'Empire... »

Il eut, certes, été mieux inspiré d'adresser aux maires, comme son collèue de la Meurthe, un modèle imprimé sans aucune omission, plutôt qu'un discours dithyrambique et des recommandations incomplètes. Laissé à l'initiative, sinon à la fantaisie, des maires, l'établissement des états communaux fut souvent négligé. Ceux-ci presque toujours incomplets ou imprécis, manquant d'uniformité, devaient faire l'objet de nombreuses observations des autorités supérieures; le maire de Fréville, par exemple, décida de ne pas inscrire les non gradés, ce qui lui valut, du sous-préfet de Neufchâteau, le rappel « qu'il ne s'est pas suffisamment pénétré de l'esprit des instructions relatives à la médaille de S.H. qui est accordée à tous les anciens militaires de l'Empire, sans distinction de catogorie ». En avait--il seulement eu connaissance ? Comme ceux de Damas-et-Bettegney, Jubainville, Tollaincourt, qui n'inscrivirent pas les gardes nationaux, appelés pendant les Cent-Jours. A ces décisions arbitraires vint souvent s'ajouter un important retard dans l'envoi des états. Le 24 août, le ministre de l'Intérieur invitait les préfets à hâter leur expédition. A cette date, la préfecture des Vosges, qui en avait reçu moins du quart, envoya immédiatement aux maires une note urgente, complétée par un tableau, dans lequel, une nouvelle fois, la mention du numéro du régiment et de la date d'incorporation avaient été omise.

L'état départemental, composé de cinq cahiers (un par arrondissement), contenait 3 240 noms. Adressé au ministre de l'Intérieur le ler septembre, avec une note l'informant de l'absence de quelques listes de communes retardataires qui seraient expédiées au fur et à mesure de leur réception, il fut transmis à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur qui le renvoya le 4 accompagné de cette observation: « Son Exc. me fait remarquer que cette liste ne peut lui servir en l'état. Elle demande que vous indiquiez en regard du nom des militaires, le grade de chacun d'eux et le régiment dans lequel ils étaient incorporés; M. le Grand Chancelier désire en outre, que vous fassiez connaître si ces renseignements proviennent de la simple déclaration des intéressés ou s'ils résultent de la production de pièces ». L'état corrigé fut renvoyé le 12 octobre. A cette date, les premières remises de médailles avaient déjà eu lieu dans le département voisin de la Meurthe.

Malgré la réserve qu'impose l'absence de ces états communaux de l'arrondissement de Remiremont, il est cependant possible, en prenant en compte tous les documents existants (premiers cahiers; listes préfectorales supplémentaires numéros 2 à 6 qui contiennent 142 noms; demandes individuelles, probablement satisfaites sans que, toutefois, la preuve puisse être apportée; listes d'attributions, etc.) d'établir une estimation valable du nombre des inscrits et des médaillés, dans le département qui, compte tenu que des demandes furent encore présentées en 1869, telle celle de François François de Nonville, peut être chiffrée à 3 650 ou 3 700, peut-être 3 750, nombre qui aurait certainement été plus élevé si, au cours de la grande épidémie de choléra de 1857, les décès d'hommes de plus de 60 ans ne s'étaient élevés à 726.

La statistique portera sur les âges, professions ou états, grades de 3 227 militaires, pour lesquels il furent, sinon pour la totalité du moins, pour la majeure partie connus.

En ce qui concerne l'âge, ignoré pour 151 d'entre eux, il s'étale de 54 à 94 ans. Il peut paraître invraisemblable qu'un enfant, ayant à peine 12 ans en 1815, ait été enrôlé dans 1'armée; Jean-Baptiste Hocquaux de Bains, et Pierre Guyot de Lamarche, ne furent pas les seuls; il suffit de se rapporter au sort réservé, à cette époque, aux enfants abandonnés. Il n'est cependant pas certain qu'ils aient obtenu la médaille. La grande majorité des survivants, 2 226, près de 70 %, étaient âgés de 62 à 71 ans.

Les positions sociales de 2 942 inscrits se répartissaient en: 749 cultivateurs, vignerons, bûcherons, jardiniers, etc.; 697 manœuvres et journaliers; 381 artisans, ouvriers et employés; 331 propriétaires et rentiers; 293 sans profession ou à la charge de leurs enfants; 214 retraités ou pensionnés; 132 fonctionnaires et assimilés; 67 fabricants, négociants, commerçants et membres des professions libérales, etc.; 46 infirmes, indigents, mendiants, 32 divers.

La situation militaire, connue pour 3 162, comprend: 7 officiers supérieurs; 107 officiers subalternes, dont 6 spécialisés; 284 sous-officiers dont 14 spécialisés; 286 brigadiers et caporaux dont 6 spécialisés; 2 401 soldats, gendarmes, matelots, ouvriers, tambours, trompettes, etc.; 4 élèves militaires; 15 membres du service de santé et 52 divers (artificiers, chef de pièce, chefs ouvriers, fourriers, maréchaux-ferrants, etc.).

61 titulaires ont déclaré appartenir à l'ordre de la Légion d'honneur. On a seulement compté 28 enrôlés volontaires, dénombré 59 bénéficiaires d'un secours viager, 430 blessés à des degrés divers, dont 100 réformés; enfin, 176 prisonniers parmi lesquels 6 furent captifs pendant une durée de 2 à 6 ans, dans le sinistre îlot de Cabrera.
 

REMISE DES MEDAILLES

L'envoi tardif de l'état départemental provoqua un retard dans les remises des médailles, dont les deux principales eurent lieu au début de 1858 et en juin, les suivantes s'échelonnant ensuite sur près de 12 ans. La première distribution donna lieu à des cérémonies solennelles dans les chefs-lieux d'arrondissements - elles se déroulèrent le 20 janvier 1858 à Epinal, le 26 à Remiremont, le 31 à Mirecourt, le 11 février à Saint-Dié, enfin le 14 mars à Neufchâteau.

Pour diverses raisons: grand âge, infirmités, pauvreté distance, difficulté de se procurer un moyen de transport, conditions atmosphériques, etc., de nombreux anciens militaires ne purent y participer. Quelques-uns donnèrent procuration à un parent ou à un ami pour recevoir la médaille et le brevet qui leur étaient destinés, les maires présents se chargeant de les remettre aux absents. Médailles et titres étaient attribués contre signature d'un récépissé, destiné à être envoyé à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur.

Tous les anciens militaires inscrits, sur présentation de pièces authentiques, auraient dû les recevoir à la distribution solennelle ce ne fut pas toujours le cas, ce qui ne manqua pas de provoquer des déceptions, des mécontentements et les réclamations de ces catégories. Sur les 1 829 brevets reçus par la Préfecture, 1756 seulement furent remis solennellement. La réserve concernant les autres, provenait d'erreurs dans la rédaction, de décès intervenus depuis l'inscription, de double emploi, de dispositions spéciales, ainsi que nous le verrons pour Neutchâteau, avec, pour conséquence, de nouveaux désappointements suivis de récriminations, protestations, pétitions, etc.

La seconde distribution destinée, en principe, aux inscrits sur simple déclaration verbale, eut lieu dans le courant du mois de juin. 1 586 brevets et médailles furent répartis entre les maires qui décidèrent de la manière à employer pour les remettre à leurs destinataires. Quelques-uns, ils furent assez peu nombreux, prirent l'initiative, comme nous le verrons, de le faire de façon plus ou moins solennelle.

Saisi de la question des décédés depuis les opérations d'inscription, qui n'avait fait l'objet d'aucune instruction particulière, le préfet en référa à la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, qui l'autorisa à faire remettre aux familles, à condition qu'elles en fassent la demande, la médaille et le titre du parent disparu.

Une seule réserve fut faite quant à l'opportunité d'obtenir ]a médaille de S.H., celle de Nicolas Bablon de Corcieux; le maire mentionna, à la suite de l'inscription de l'intéressé: « Cet ancien militaire ne tient pas à recevoir la médaille, ayant reçu la Croix des mains de Mgr le duc de Berry, et n'ayant jamais pu obtenir le diplôme, malgré ses réclamations réitérées ». Il obtint cependant un numéro de brevet et il est fort probable qu’ il ne refusa pas l'insigne et le titre.

En l'absence de précisions, relatives à la moralité des candidats, des maires jugèrent inopportun d'inscrire ceux qui avaient subi des condamnations; d'autres, le mentionnèrent sur l'état communal ou signalèrent les écarts de conduite. Ces observations ne semblent pas avoir été retenues à l'encontre d'un citoyen de Tollaincourt; par contre, un habitant d'Housseras, condamné à deux ans de prison pour avoir « tiré un coup de fusil sur un de ses parents », ne reçut pas la distinction qui fut renvoyée à la Préfecture. Le 19 janvier 1864, le maire de Sainte-Marguerite intercéda en faveur d'un médaillé, condamné à 6 jours de prison et 25 francs d'amende « pour délit illicite de boisson », qui avait fait l'objet d'une demande d'information de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur au préfet. Nous ne connaissons pas la suite donnée à cette affaire.

Le 7 mars 1863, à la suite d'une démarche du maire, saisi des plaintes de ses compagnons d'armes, le Grand Chancelier privait un médaillé de Raon-l'Etape, condamné à 5 mois de prison pour vol, du droit de porter sa décoration. C'est, sans doute, à la suite d'observations ou de réclamations du même ordre, que la Grande Chancellerie exigea que médaille et titre ne seraient remis, que si le titulaire « était digne de les recevoir ». François Skazinski, réfugié polonais, soldat d'un régiment de chevau-léger, ayant fait les campagnes de 1807 à 1811, inscrit à Raon-l'Etape sur présentation de pièces, ne figure sur aucune liste d'attribution, bien qu'un numéro de brevet lui ait été octroyé. Conformément au décret d'institution, sa qualité d'étranger ne devait pas le priver de la médaille. L'existence d'une quelconque autre raison n’est pas connue.

De nombreux maires, principalement ceux de petites communes, attirèrent l'attention des autorités sur la situation précaire, souvent misérable, de leurs anciens militaires, au moyen d'observations portées à la suite des noms ou à la fin des états communaux; ce fut le cas pour François Lecoanet, de Saint--Laurent: « Il se trouve dans la position la plus critique, père de sept enfants qu'il a élevés, il se voit, sur ses vieux jours, réduit à implorer la charité publique »; pour Nicolas Noirtin, d'Esley:
« ll n'a pas de pension et est dans un état voisin de l'indi-gence»; pour Nicolas Janin, de Bettegney-Saint-Brice :  Ce malheureux mérite cependant d'être secouru au plus tôt possible »; pour François Vandier, de Denipaire: « Ce brave militaire est dans un état d'indigence absolue »; et, pour beaucoup d'autres qui ne peuvent être cités. Mais la plus émouvante est, sans aucun doute, celle du maire de Longchamp à propos de Dominique Duval: « Cet ancien militaire (...) est dans une situation d'indigence notoire et absolue. Un secours pécuniaire lui serait plus avantageux qu'une médaille »
 

LA CLOTURE OFFICIELLE DES OPERATIONS

Elle eut lieu dans les derniers jours de juin 1858, lorsque la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur réclama au préfet la justification de l'emploi des médailles et diplômes reçus. Cette comptabilité établissait que le nombre des attributions s'élevait, à cette date, à 3 431. Les demandes nouvelles qui, nous l'avons vu, s'étalèrent encore sur une douzaine d'années, furent probablement de l'ordre de 300, dont la plupart, sinon la tocalité, reçurent satisfaction, ce qui rend absolument plausible notre estimation de 3 650 à 3 750 médaillés dans le département des Vosges.

La superficie du département, d'environ 6 080 km2, se partageait en 5 arrondissements, 30 cantons, 549 communes. Sa population, au recensement de 1856, était de 406 546 habitants. Depuis 1851, un excédent du nombre des décés sur celui des naissances de l'ordre de 4 100 individus avait été enregistré, dont la principale cause fut, probablement, la grande épidémie de choléra qui, du 28 mai au 25 novembre 1854, avait causé 6 019 victimes, dont 4 830 du 28 juillet au 1er septembre. Un solde migratoire négatif de 17 600 personnes était encore venu aggraver la décroissance de la population départementale. Ces données doivent, évidemment, être prises en compte dans les résultats du recensement des anciens militaires ayant obtenu la médaille de Sainte-Hélène.

Arrondissement d'Epinal

- 1471 km2, 6 cantons, 126 communes, 96 338 habitants. Onze communes: Beauménil, Champ-le-Duc, Fomerey, Hardancourt, Laveline-devant-Bruyères, Moriville, Nonzeville, Oncourt, Renauvoid, Saint-Maurice-sur-Mortagne et Vaudeville, adressèrent des états négatifs. Parmi elles, Moriville perdit plus du dixième de sa population, dont 18 hommes âgés de plus de 60 ans, au cours de 1'épidémie de choléra, pour Oncourt, frappé aussi durement, on ne retrouve ni état négatif, ni liste de médaillés.

Il y eut 845 inscrits sur les états communaux, 63 des listes supplémentaires et 10 demandes individuelles, dont celles de Nicolas Birker d'Epinal; Ory de Brosses, écart des Forges et Bernière de Xertigny, adressées à l’Empereur. Le premier terminait sa supplique par: « Sire, je pense avoir des droits, et je viens me soumettre à Votre Majesté pour réclamé cette médaille, ce sera un vrai souvenir pour moi et je vous donne l’assurance que je la porterai dignement »; le second, s'exprimait sensiblement dans les mêmes termes''; quant au troisième, conseiller municipal, il s'excusait d’avoir omis de s'inscrire sur l'état de la commune.

Le nombre total des inscriptions fut de 918, celui des médaillés de 922. C'est le plus grand nombre enregistré dans le département. 459 participèrent à la distribution solennelle, 365 à la seconde, 98 aux suivantes. La différence de 4 entre inscrits et médaillés ne peut qu'être constatée.

A l'occasion de la seconde distribution, seuls les maires de Bains, Fontenay, Grandrupt, Le Roulier, rendirent compte de l'organisation des cérémonies solennelles. Dans son rapport, celui de Fontenay mentionne
«..Lorsque je leur ai montré et attaché sur la poitrine la médaille de S.H., des larmes de joie ont inondé leurs visages, et ils se sont tous écriés d'une commune voix: Vive l'Empereur. ! . Vive l'Impératrice!... Vive le Prince Impérial  ! »
 

Arrondissement de Mirecourt

-1 125 km2, 142 communes, 67 956 habitants. L'épidémie de choléra de 1854 y fit 2 895 victimes, parmi lesquelles 339 hommes âgés de plus de 60 ans. Ce fut l'arrondissement qui eut le plus à en souffrir.

17 communes n'eurent pas de médaillés: Ameuvelle, Battexey, Boulaincourt, Chauffecourt, Domvallier, Gelvécourt-et-Adompt, Hagécourt, Hymont, Jesonville, Laneuveville-sous-Montfort, Madecourt, Maroncourt, Menil-en-Xaintois, Rapey, Regney, Thiraucourt, Valleroy-le-Sec et Varmonzey.

L'absence des listes communales pour Estrennes, Poussay, Vroville, l'inscription sur les rôles d'attribution d'anciens militaires de ces trois communes et de celles de Mirecourt et Remoncourt, non portés sur les listes communales, le manque d'un tableau récapitulatif des médaillés de l'arrondissement, rendent quelque peu incertains les résultats de notre bilan.

On a relevé 582 inscrits sur les états communaux, 20 sur des listes supplémentaires et 2 demandes individuelles, soit un total de 604.

Compte tenu des réserves précédentes, on peut avancer comme probable le chiffre de 617 médaillés, dont 273 ayant participé à la remise solennelle, 319 à la seconde et 25 aux suivantes.

Le dernier décoré de l'arrondissement, qui fut aussi celui connu du département, François Francois de Nonville, reçut sa médaille et son titre, dont on ignore le matricule, le 7 février 1870.

Il n'y a aucun rapport de maires relatant l'organisation de cérémonies solennelles pour la seconde distribution.

L'arrondissement de Mirecourt, qui comptait le plus grand nombre de communes du département, occupe l'avant-dernier rang pour celui des médaillés.
 

Arrondissement de Neufchâteau

- 1 228 km2, 5 cantons, 132 communes, 58 906 habitants. Il fut, avec 2 699 victimes, dont 387 hommes âgés de plus de 60 ans, aussi très cruellement frappé par 1'épidémie de choléra. Onze communes: Aingeville, Balleville, Courcelles-sous-Châtenois, Dolaincourt, Harmonville, L'Etanche, Pleuvezain, Rocourt, Roncourt, Soncourt et Vaudoncourt, fournirent des états négatifs.

Il y eut 714 inscrits sur les états communaux, 43 sur des listes supplémentaires et 9 demandes individuelles; parmi ces dernières, celle de Bertrand de Saint-Ouen-les-Parey, adressée à l'Empereur. Chevalier de la Légion d'honneur, il terminait sa requête en ces termes :« ... il ne peut vous dire combien il serait fier de joindre ce nouvel insigne au premier ». Le nombre total des inscrits fut de 766.
Le sous-préfet de Neufchâteau appliqua avec une extrême rigueur les instructions données en renvoyant systématiquement tous les titres et médailles délivrés a des militaires qui avaient été inscrits sans présenter de pièces justificatives, ainsi que les brevets contenant la plus petite erreur de rédaction. Cette façon d'opérer causa, non seulement des complications administratives mais aussi de nombreux mécontentements et de multiples réclamations. Des protestations s'élevèrent également à cause du retard apporté à la remise solennelle. La dernière avait eu lieu à Saint-Dié le 11 février; plus de dix jours après, la date de celle de Neufchâteau n'avait pas encore été fixée. Le sous-préfet recevait de nombreuses plaintes, le préfet en ayant été informé lui adressa, le 22, la dépêche suivante: "Je vous engage à faire comme vos collègues, c'est-à-dire à distribuer, sans retard, les médailles et les diplômes qui ne font l'objet d'aucun doute.
« Vous vous occuperez des autres après régularisation des titres. »
M. Jules Charles Hubert Berthe-de-Pommery, de Belmont-sur-Vair, manifestait son impatience dans la lettre qu'il adressa le 2 mars, au préfet: « Je viens vous prier de me faire l'honneur de me dire quel (sic) peut-être la cause qui, jusqu'à ce jour, nous prive de cette faveur dans l'arrondissement de Neufchâteau. Nous ne sommes plus jeunes, M. le Préfet, et vous comprendrez forcément notre désir de recevoir le plus promptement possible cette marque de la bienveillance de l'Empereur à notre égard".

La distribution solennelle eut lieu le 14 mars.

Le nombre total des médaillés fut de 766; 326 participèrent à la remise organisée au chef-lieu, 356 à la seconde, 74 aux suivantes.

Bien qu'étant, à l'époque, le moins peuplé du département, et malgré les importants ravages du choléra, l'arrondissement de Neufchâteau eut le taux de médaillés le plus élevé, près de 13 pour 1 000 habitants; la moyenne départementale était de 9.

A l'occasion de la seconde distribution, les maires de Bulgnéville, Lamarche, Lironcourt, Rouvres-la-Chétive, Sauville organisèrent des cérémonies qui revêtirent, notamment à Bulgnéville et Rouvres-la-Chétive. une grande solennité: il n'est pas possible de relater ici ce qu'elles furent, rappelons seulement que, dans la première, le maire associa les combattants de Crimée et les membres du corps expéditionnaire stationné à Canton, à l'hommage qu'il rendit aux médaillés de S.H.. Dans la seconde, le curé de la paroisse et un ancien Saint-Cyrien, médaillé de la première distribution, rivalisèrent d'éloquence pour exprimer leur vénération envers la famille impériale.

Les maires de Lironcourt et de Sauville honorèrent plus modestement leurs médaillés. A Lamarche, ces derniers se cotisèrent pour faire célébrer un office religieux à la mémoire de Napoléon ler.
 

Arrondissement de Remiremont

- 875 km2, 4 cantons, 40 communes, 71 279 habitants.

Les états communaux de la liste d'inscription manquant dans les liasses consultées, les éléments connus sont :
le nombre des médaillés, celui des brevets adressés au sous-préfet pour assurer !es deux principales distributions, la liste des titulaires de la remise solennelle, la liste supplémentaire établie par la sous-préfecture le 12 juillet 1858, le nombre de récépissés renvoyés le 7 août, à l'issue de la seconde distribution, le nombre et les noms des inscrits sur les listes préfectorales supplémentaires numéro 2 à 6, ainsi que certaines demandes individuelles, dont celle d'André Joly de Grange-de-Plombières, reproduite dans ce texte, qui contient toute la détresse d'un grand nombre de vétérans de son âge, 73 ans.

Il n'y eut probablement pas de médaillés à Basse-sur-Rupt et à Eloyes.

Environ 300 insignes et brevets furent remis à la distribution solennelle, 97 à la seconde, 65 aux suivantes; soit, suivant l'estimation la plus vraisemblable, 462 décorés de la médaille de S.H. dans cet arrondissement qui, avec 6,5 pour 1 000 habitants représente le plus faible taux du département

Il n'y a pas de comptes-rendus de cérémonies solennelles à l'occasion de la seconde distribution.
 

Arrondissement de Saint-Dié

- 1 381 km2, 9 cantons, 109 communes, 112 607 habitants. Seule, Les Poulières a fourni un état négatif.

Il y eut 860 inscrits sur les états communaux, 39 sur diverses listes supplémentaires et 18 demandes individuelles, au total 917.

398 anciens militaires prirent part à la distribution solennelle, 417 à la seconde, 73 aux suivantes, soit un nombre total de médaillés de 888.

La différence de 29 entre ceux-ci et les inscrits, ne peut être expliquée autrement que par des renvois d'insignes er de titres pour cause de décés, de double emploi, d'indignité, d'erreurs, etc

Dans le rapport qu'il adressa au préfet le 28 juin, le sous-préfet dénonce, les mauvaises conditions dans lesquelles ont eté engagées les opérations concernant la médaille de S.H. dans le departement des Vosges : "En examinant les listes communales de mon arrondissement, qui ont servi à établir les listes des anciens militaires qui ont droit à la médaille de S.H., je me suis aperçu que plusieurs de ces derniers n'avaient ni brevet, ni médaille, bien que leurs noms aient dû figurer sur cette liste.

« D'autres qui ont réclamé postérieurement à la distribution des médailles (...) se trouvent dans le même cas, et comme il ne serait pas juste de les priver de la distribution dont il s'agit, je viens vous prier de la solliciter en leur faveur.
"J'ai fait dresser des états séparés pour les premiers et pour les seconds; vous trouverez ci-joint deux documents avec les demandes des ayants-droit ou la liste complémentaire fournie par les maires.... etc"

Les choses auraient pu être beaucoup plus simples si, dès le début, les instructions précises du ministre de la Guerre avaient été scrupuleusement respectées et correctement transmises.

Bilan départemental

L'exploitation des documents des liasses conservées aux Archives départementales, permet de résumer les opérations d'attribution de la médaille de S.H. de la façon suivante: 3 398 militaires inscrits sur les états communaux, compte tenu d'une estimation de 397 pour celui de l'arrondissement de Remiremont, 225 sur diverses listes supplémentaires et 45 demandes individuelles, soit au total 3 668 inscriptions effectivement connues, dont seulement 3 227 purent être sérieusement exploitées au plan statistique. 1 756 vétérans furent invités à la remise solennelle; 1 564 à la seconde distribution; 335, pour lesquels existent des certitudes ou de sérieuses probabilités, au cours d'attributions échelonnées pendant près de douze années; soit un nombre total de médaillés recensés de 3 655. La faible différence, 13, entre les deux statistiques ne peut être justifiée autrement que par des erreurs, des oublis d'enregistrement, des situations particulières, des décès, des cas d'indignité, etc.

Malgré ces insuffisances, le recensement des survivants des campagnes de la République et du Premier Empire dans le département des Vosges en 1857, se présente comme un moment de son histoire.
 

LES REMISES SOLENNELLES

Toutes les cérémonies solennelles organisées au chef-lieu du département, et dans ceux des arrondissements, ont fait l'objet de rapports. La minute de celui du préfet ne se trouve pas dans les liasses 24 R 6 et 24 R 7, pas plus que le texte du discours qu'il prononça devant les anciens militaires rassemblés, le 28 janvier, dans le grand salon de l'hôtel de ville d'Epinal. Les journaux de l'époque, qui auraient pu nous informer du déroulement de cette cérémonie, n'ont pu être consultés. Le 14 janvier, jour où il lança ses invitations, avait lieu l'attentat d'Orsini contre l'Empereur. Dès qu'il en eut connaissance, il adressa une dépêche à tous les maires dans laquelle il déclarait: « Veuillez vous concerter avec les autorités religieuses et militaires qui vous entourent, pour qu'un Te Deum d'action de grâces soit célébré après-demain dimanche ou le dimanche suivant », il leur demandait aussi d'inviter les conseils municipaux à « voter une adresse à l'Empereur ».

Le ler février, le sous-préfet de Mirecourt rendant compte de la cérémonie de la veille, écrivait: "J'ai prononcé une allocution de circonstance, après quoi les anciens militaires appelés sont venus, aux cris de Vive l'Empereur ! recevoir, de mes mains, la médaille et le diplôme qui leur étaient destinés, l'enthousiasme était extrême, presque tous ces vétérans étaient émus jusqu'aux larmes (..).
« Une adresse à l'Empereur a été signée par tous les anciens militaires, aussitôt après la séance ».

C'est dans des termes à peu près analogues, que s'exprimait le 18 mars le sous-préfet de Neufchâteau; il ajoutait: « D'après les vœux exprimés par les médaillés, il a été célébré le lendemain matin, un service à la mémoire de l'Empereur Napoléon 1er, auquel j'ai assisté avec tous les fonctionnaires et les décorés de la médaille de S.H. ».

Son discours et les remerciements du colonel Raoul, sur la poitrine duquel devait être épinglée la première médaille, furent intégralement publiés dans l'Abeille des Vosges, n° 16 du 21 mars 1857.

A Remiremont, la cérémonie solennelle de la remise des médailles eut lieu dans le grand salon de l'hôtel de ville. Dans un court rapport le sous-préfet décrivit l'atmosphère dans laquelle elle se déroula. Son discours fut publié dans le Journal d'Annonces de Remiremont, qui n'a pu, malheureusement, être retrouvé.

A Saint-Dié, qui était aussi siège épiscopal, la cérémonie revêtit le double caractère patriotique et religieux. C'est par un imposant discours, consacré à la gloire des deux Empereurs, que le sous-préfet ouvrit la séance. Il rappela les paroles prononcées par Napoléon III à l'ouverture de la session législative de 1858: « J'ai voulu qu'une médaille vint rappeler, à tous ceux qui avaient servi dans nos armées, la dernière pensée de leur ancien chef, I'Empereur, qui avait légué à ses anciens compagnons de gloire, son Domaine privé et son Domaine extraordinaire.

« Plus de 300 000 hommes de France et de l'étranger, ont demandé cette médaille, souvenir de l'épopée impériale, et, en la recevant ils ont pu dire avec fierté: Et moi aussi, je faisais partie de la Grande Armée... »

Après un éloge appuyé a "l'élu de vos suffrages, l'homme providentiel à qui vous avez confié la destinée de la France", il concluait par: "Sachons donc nous montrer reconnaissants envers la Providence qui nous a si miraculeusement préservés et confiants dans les hautes destinées qu'elle nous réserve (...) Vive l'Empereur !"

Le comte d'Olonne, chef d'escadron en retraite et conseiller général, remercia, en termes non moins chaleureux. Aussitôt après commença la remise des médailles et des brevets: "Ce fut un touchant spectacle de voir tous ces vétérans, s'approchant successivement de l'estrade, recevoir avec émotion, ce don précieux de l'Empereur, le porter à leurs lèvres ou le serrer sur leur cœur. Quelques-uns de ces vieillards, s'approchaient de Mgr l'évêque et, avec une familiarité toute patriarcale, demandaient au prélat venéré d'attacher sur leur poitrine la précieuse médaille".

A la fin de la cérémonie, les médaillés signèrent une adresse à l'Empereur, qui se terminait par "Vive l'Empereur !... Vive l'Impératrice !... Vive le Prince Impérial ! »

Le 15 février, les décorés assistèrent à une messe d'action de grâces célébrée par l'évêque du diocèse.

Admis à l'honneur d'un instant, ils reprirent le lendemain, non sans fierté, leurs activités coutumières.

Si cette médaille rappelait autour d'eux ce que leurs souvenirs n'avaient pas toujours su exprimer, si elle forçait le respect et suscitait l'admiration, elle n'apportait à leurs maux, à leurs souffrances, à leur misère, aucune des solutions si ardemment espérées et si douloureusement exprimées dans les observations des maires et les suppliques adressées aux autorités.
 

LES NUMÉROS DES BREVETS

Ils se divisent en quatre groupes: ceux de la première remise: 122 373 à 124 201 (moins 122 649 et 122 839); ceux de la seconde attribution: 276 758 à 278 344 (moins 277 140, 277 336 et 277 339, ces deux derniers pour cause de double emploi). En troisième lieu, ceux des distributions faites aux inscrits sur les listes supplémentaires et demandes particulières:
158 306; 305 186 à 305 266; 308 893 à 308 895; 309 854 à 309 899; 314 430 à 314 451; soit un nombre de numéros connus de 3 564, auquel doivent être ajoutés les 6 non répertoriés de la sixième liste préfectorale supplémentaire, celui numéroté 403 742 délivré le 9 mai 1863 à Jean-Baptiste Pierrot de Fouchécourt et tous ceux délivrés jusqu'au 7 février 1870, date de remise à François Francois de Nonville.

Le numéro le plus bas 122 373 fut attribué à Jean Flot d'Hergugney, le plus élevé, connu, étant celui de Jean-Baptiste Pierrot, mentionné ci-dessus.


LES SOCIETES DES MEDAILLES

Nous n'avons trouvé aucune trace de l'existence de telles sociétés dans le département. A Nancy: "Une association s'est formée sous le nom de Société de Saint-Martin et ses membres, qui s'étaient d'abord inscrits comme associés libres de la Société de Sainte-Hélène, se sont retirés de cette dernière où il n'est plus resté que les soldats de l'Empire, presque tous âgés, infirmes, sans fortune et hors d'état de participer aux frais de l'association"

L'indigence ne pouvait évidemment trouver secours auprès de l'indigence.

PENSION AUX MEDAILLES DE SAINTE-HELENE

Le décret du 14 décembre 1851 avait accordé des secours annuels viagers à 11 033 des anciens militaires les plus misérables.

Sur proposition de M. Glais-Bizoin, le Corps Législatif adopta, le 26 avril 1869, la loi promulguée le 5 mai, qui accordait une pension annuelle aux médaillés de S.H., ne disposant pas de ressources suffisantes, qui remplissaient l'une des trois conditions suivantes: avoir accompli deux années de services militaires, avoir partciipé  à campagnes, avoir reçu une blessure grave dûment constatée. Le fonds primitivement alloué à l'attribution des secours viagers de 2 700 000 francs, était versé au service des pensions dont les arrérages annuels fixés à 250 francs, devaient prendre effet le 15 soût 1869, date de la fête de 1'Empire et fête Nationale.

Pour percevoir cette pension, les 25 000 bénéficiaires, à cette époque, des secours viagers, devaient simplement fournir un certificat de vie. Les autres, étaient tenus de faire certifier qu'ils remplissaient l'une des conditions exigées et faire constater, par les services préfectoraux, l'insuffisance de leurs ressources.

La guerre de 1870-1871 devait interrompre le déroulemerlt normal des opérations, et les ayants-droit durent attendre jusqu'au 8 août 1871, la mise en application de la loi du 5 mai 1869.

Pour les anciens militaires qui avaient reçu, au cours du troisième trimestre de 1870, un avis d'admission au titre de pension, le préfet qui, par suite de la destruction des Archives de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, avait reçu de celle-ci délégation pour justifier des dépôts des dossiers à la préfecture, n'exigeait que la fourniture d'un certificat de vie mais. postérieurement à cette période, un dossier complet devait être constitué par les solliciteurs.

Quel pouvait être, en ces années, le nombre de pauvres diables qui avaient pu survivre à l'indigence, aux privations, et aux souffrances causées par la guerre ?

Sur les 175 vétérans du canton de Rambervillers, ayant fourni des renseignements complets et précis, au cours des opérations de recensement de 1857, le nombre des bénéficiaires éventuels à la suite des décès et d'après leur situation sociale et militaire pouvait être d'une quinzaine environ, d'un âge compris entre 73 et 85 ans: « Si les plus nécessiteux avaient pu survivre, cela n'avait pas été sans de grandes difficultés, dans les tourments de la misère et de l'humiliation ».

Par rapport à cet exemple, une simple règle de trois permet d'estimer, en fonction d'un nombre de médaillés de 3 750, à 300 le nombre des pensionnés du département; nombre probablement supérieur à la réalité.

Les faits, les récits, les documents permettent d'affirmer que la médaille de Sainte-Hélène fut reçue, en 1858 et après, par les survivants des campagnes de la République et du Premier Empire, du département des Vosges, avec ferveur, recueillement et respect.

Nombreux furent les soldats de Valmy, de Marengo, d'Austerlitz, de Wagram, d'Espagne, de Russie, qui défilèrent glorieux, aux accents de la Marche Consulaire, ou trainèrent leurs membres meurtris au son de celle des Eclopés; mais, parmi eux, un petit nombre seulement reçut cette médaille dédiée à la gloire de tous. C'est probablement pour cela que ces vieux survivants la recurent avec autant d'émotion.

Il aurait fallu citer plus longuement les nombreuses lettres échangées au cours des opérations de recensement et d'inscription, dans lesquelles ces vieux braves exposaient leur situation, relataient leurs faits d'armes, mentionnaient leurs blessures, leur captivité, etc. Ecrites dans un style parfois hésitant, souvent naïf, d'où la passion n'était pas toujours exclue, surtout lorsqu'ils exprimaient leur impatience, leur envie, leur peine, voire leur honte de n'être pas parmi les premiers à recevoir et porter cette médaille.

En prenant place dans le système de récompense qui se créait, la médaille de S.H., dans sa nouveauté, distinguait en les honorant, les vétérans d'une épopée glorieuse et tragique à la fois, des jeunes soldats qui venaient de combattre en Crimée, ou qui allaient bientôt être appelés à le faire en Italie, en Chine, au Mexique et dont la poitrine se trouvait ornée, ou allait l'être, des médailles commémoratives de ces guerres du Second Empire.

Leur fierté, leur émotion lorsqu'ils reçurent cette médaille lui conférèrent davantage le titre d'une distinction, d'une décoration, d'une récompense pour services rendus que celui d'un souvenir. Cette signification se retrouve dans la mention « décoré de la médaille de Sainte-Hélène » qui figure, presque toujours avant 1871, dans les actes de décès de ses titulaires.

Dans les registres de l'état-civil de Rambervillers, on la rencontre, de 1858 à 1870, vingt-sept fois. N'est-ce pas une preuve supplémentaire de la vénération qu'elle suscita ?

C'est aussi très probablement dans le même esprit, que le ruban, symbole de l'espoir, de la vaillance et de la gloire se trouva, parce que la médaille n'avait plus de titulaire, pérennisé dans celui de la croix de la guerre de 1914-1918, et avec une 1égère modification dans celui de la guerre de 1939-1945. Aujourd'hui le nombre des décorés de la croix de la première guerre mondiale devient de jour en jour moins important et ce ruban vieux de cent trente années, ne sera bientôt plus qu'un objet de vénération et qu'un pieux souvenir.

Avec le recensement des derniers combattants des campagnes de la République et du Premier Empire, prenait fin l'historiographie d'un des grands moments de notre histoire nationale, dont les dates figurent en exergue au revers de la medaille de Sainte-Hélène C'est par égard à la pathétique espérance exprimée avec tant d'émotion, dans la diversité des sentiments de ces vieux soldats survivants, que cette page de notre histoire vosgienne ne devait pas tomber dans l'oubli. Elle appartient à ce qu'on a coutume d'appeler la memoire collective ! c'est la raison pour laquelle elle est nôtre.
 

SOURCES

Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle Série 1 M 708.
Archives Départementales des Vosges. Séries 24 R 6, 24 R 7, 4 J 29.
Bulletins des Lois - 1849, 1851, 1852, 1857.
Recueil des Actes administratifs du département des Vosges - 1849, 1851, 1852, 1857, 1858, 1869, 1871.
 

BIBLIOGRAPHIE

Georges BLOND - La Grande Armée. Paris 1979.
André CASTELOT - Napoléon. Paris 1968.
Claude DECOURTIAL - Ordres et décorations. Paris 1957
Georges DUVEAU - La vie ouvrière en France sous le Second Empire. Paris 1946.
Louis-Henri FLEURENCE - Trois décorations modestes dans l'histoire des habitants du canton de Rambervillers. (Au bord de la Mortagne. Supplément n° 1, juiller 1984).
Françoise JOB-Les anciens militaires de la République et de l'Empire dans le département de la Meurthe, en 1857, et la médaille de Sainte-Hélène. (Pays Lorrain, 1981, n° 2, p. 97-108; et Annales historiques de la Révolution francaise n~ 245. juillet-septembre 1981, p. 419-435.)
LAS CASES (Comte Emmanuel de)-Mernorial de Sainte -Hélène. Paris 1951.
Pierre PELISSIER et Jérôme PHELIPPEAU - Les Grognards de Cabrera. Paris 1980.
Jean SANDRIN - Enfants trouvés, enfants ouvriers du XVIIe au XIXe siècles. Paris 1983.
P. de VALLIÈRE - Honneur et Fidélité - Histoire des Suisses au service étranger.